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L’envers du décor #hommesdel’ombre

Le plateau d’une scène nationale, pour vous et moi, c’est un endroit magique où l’on peut voir des spectacles, où évoluent les artistes mais en réalité qu’est-ce qu’il s’y passe autour ? Intriguée, j’avais déjà fait un tour à la régie son. Je suis retournée faire ma curieuse en mode stagiaire dans l’équipe technique accompagnée d’Elizabeth mais cette fois-ci pour le montage complet d’un spectacle : Conjurer la peur de Gaëlle Bourges !

Nous débarquons lundi matin à 9h tapantes au Théâtre Louis Guilloux et ça s’active déjà ! Nous sommes nombreux sur le plateau. L’équipe technique permanente de La Passerelle est composée de Paul (régisseur son), Benoît (régisseur lumière), Brice (régisseur plateau) et Gilles (le directeur technique). Pour les épauler, on fait appel à des machinistes qui ont le statut d’ intermittents. Pour ce montage, il y avait Patrick, Yann, Virgile et Benjamin. En plus, les compagnies viennent souvent avec leurs propres régisseurs. Pour Conjurer la peur, ils étaient deux : Abigail pour la lumière et Stéphane pour le plateau.

Les perches sont descendues et ça installe tous types de projecteurs. Notre première mission accomplie (le montage de bancs en plastique pour le futur décor), on commence à se demander où on a atterri car personne ne parle la même langue que nous sur ce plateau. Ça commence par des expressions bien étranges qu’on entend depuis notre arrivée comme « la 16 à l’appui » ou encore « la 20 à la charge » que se lancent entre eux les régisseurs. Quand on descend une perche, on dit qu’on la « charge » et inversement si on la remonte, on dit qu’on « l’appuie ». Pour charger ou appuyer une perche, il y a tout un système de poulies et de contrepoids que l’on actionne en tirant des bouts.

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Ainsi, quand on entend ces expressions, on sait qu’une perche va monter ou descendre, ça évite de sérieux accidents ! Se faire assommer par une perche, ça ne doit pas être très agréable. C’est pour ça que novices comme nous sommes, on a eu le droit (l’obligation) de porter des casques !

En slalomant entre les perches, on se rend très vite compte que toute l’implantation lumière est millimétrée. Les projecteurs sont posés en fonction d’un plan lumière, communiqué à l’avance par la compagnie. Pour être sûr de les poser au bon endroit, on mesure tout à l’aide d’un mètre. Quelques centimètres de trop sur la droite et ça peut changer tout l’angle de la lumière ! Evidemment, il existe plusieurs types de projecteurs mais je vous épargne trop d’explications techniques.

Yann nous explique ensuite comment installer les projecteurs. D’abord, on les pose sur la perche par leur crochet puis on les sécurise avec un filin de sécurité.

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Ensuite, on les branche sur un gradateur qui permet de varier l’intensité lumineuse. Chaque projecteur a un numéro spécifique sur ce gradateur. Benoît nous explique qu’il faut absolument noter sur le plan quel numéro correspond à quel projecteur au fur et à mesure. Cela prend son sens lors du patch.

Abigail ayant l’habitude de travailler avec ses propres numéros de circuits, qui n’existent pas forcément chez nous, il faut donc faire correspondre les numéros de nos gradateurs à ses circuits, de façon à ce qu’elle n’ait pas à tout réadapter à chaque fois.

Une fois branchés, il y a aussi une certaine notion d’esthétique à respecter. Les rallonges, ce n’est pas très joli quand on les voit pendre des perches. On est donc embauchées pour les accrocher sur les perches avec des « belges » (outil indispensable du régisseur qui est en fait juste un élastique avec un bout de bois).

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Une fois que toutes les lumières sont installées, on appuie les perches et on installe les décors. A commencer par les tapis de danse qu’on déroule et qu’on scotche ensemble. Brice et Patrick nous montrent la technique implacable du scotchage de tapis de danse. Si vous devez refaire ça chez vous, il vous faudra donc du gaffeur (deuxième outil indispensable du régisseur plateau) et un balai pour poser uniformément le gaffeur au sol !

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Le décor comprend aussi des praticables qu’il faut monter. On y agrafe de la moquette noire car les artistes vont danser dessus. Là aussi les praticables sont installés précisément sur scène. Particularité du décor de ce spectacle, nous devons tendre des fils en nylon sur le proscénium (l’avant de la scène). Une fois tendus et aimantés au sol, ils formeront comme un mur invisible. Mais avant d’en voir le résultat, il faut les démêler, ce qui croyez-moi n’est pas une mince affaire ! Après cela on installe le dernier élément de décor, des bâches accrochées au lointain et côté jardin.

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Commencent alors de longs réglages lumière qui prennent l’après-midi. On règle chaque projecteur un par un et pour monter on utilise une nacelle.

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Pour ce travail, il faut le silence complet et surtout le noir sur scène. Ensuite, on nettoie la scène (oui, oui c’est aussi le rôle des régisseurs) et les danseurs arrivent pour une répétition générale. Cela leur permet de prendre leurs marques sur scène. Pour cette répétition, tous les réglages lumière n’étaient pas terminés donc il s’agissait d’une répétition partielle techniquement. Pour Elizabeth et moi, ça marque la fin de notre « Day 1 » à la régie !

Le lendemain, pendant qu’on continue nos réglages avec Yann, Benjamin et Brice, les autres sont en train d’installer Hans & Greutel (un spectacle hors les murs présenté par la Passerelle à la SMAC – La Citrouille) et d’autres sont en train d’installer le concert sandwich qui aura lieu le midi au forum.

Benjamin, Abigail et Yann reprennent leurs réglages sur la nacelle. On en profite pour demander à Benjamin à quoi servent les gélatines qu’ils posent devant les projecteurs. Les gélatines sont des films de couleurs qui permettent de modifier le faisceau lumineux. Cela permet d’obtenir des lumières froides ou chaudes selon le besoin.

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Yann nous installe un projecteur dans un coin pour nous expliquer son fonctionnement, et surtout les réglages qu’ils effectuent quand ils sont là-haut sur leur nacelle. Il existe plusieurs types de projecteurs et sur ce spectacle on utilise plutôt des découpes. Celles-ci sont utilisées notamment pour isoler un élément de décor, un personnage, un objet… L’avantage c’est que son faisceau lumineux est « modelable » d’où les fameux réglages qui prennent du temps.

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Yann ouvre ensuite le projecteur pour qu’on en voie les mécanismes intérieurs. Pour résumer, il y a une première partie avec l’ampoule qui diffuse le flux lumineux. Derrière elle, on trouve un miroir qui permet d’éviter les pertes de lumière. Ce flux lumineux passe ensuite par un condensateur. Pour ceux qui comme moi se rappellent très peu de leurs cours d’optique au lycée, c’est comme une grande loupe mais dans le sens inverse.

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La deuxième partie se présente comme la mécanique d’un appareil photo avec une focale et une lentille.

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On passe aux réglages. La manette de gauche du projecteur règle la taille du faisceau lumineux. Celle de droite nous permet de régler la netteté, ce qui permet aussi de laisser une lumière un peu floue selon l’effet voulu. La particularité d’une découpe, ce sont ses couteaux, quatre lames en métal qui viennent découper la lumière comme souhaité. Cela permet de tailler un spot avec la forme voulue (un demi-cercle, un carré, un rectangle) afin de définir précisément une zone à éclairer. Mais attention, ce n’est pas si simple car il s’agit de lumière alors tout est inversé. Si j’utilise le couteau de droite, cela va découper la lumière à gauche. Autant vous dire que pour quelqu’un comme moi qui a du mal à différencier sa droite de sa gauche, ce fut un peu le parcours du combattant ! Après on peut s’amuser, en utilisant des petites lames en métal qui matérialisent des formes et qu’on appelle des « gobos ». On a fait des tests avec Elizabeth avec des gobos palmier, le théâtre avait un petit côté Tahiti du coup.

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L’après-midi, c’est l’heure du filage pour les danseurs. Il s’agit d’une répétition de l’ensemble de la pièce dans les conditions du spectacle. Pour les régisseurs, c’est un moment creux, alors chacun vaque à ses occupations (pour eux, il s’agit de préparer la venue des prochains spectacles). Après une pause méritée, on se retrouve tous à 20h tapantes pour finaliser la mise en place des décors. Il faut réinstaller les bâches, faire les tests micros et les derniers réglages avant l’entrée du public. En 20 minutes tout est prêt et les premiers spectateurs entrent déjà. On se joint à eux le temps du spectacle.

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A la fin de la pièce, tout va très vite ! On démonte en 1h30 ce qu’on a mis deux jours à monter ! On décroche les bâches, range les tapis de danse, enlève les projecteurs des perches ! En un rien de temps, le plateau est déjà prêt à accueillir un nouveau spectacle. Avec Elizabeth, ça marque la fin de notre stage de régisseuses en herbe ! Un détour par la technique où l’on a appris beaucoup sur le fonctionnement du théâtre !

A bientôt pour de nouvelles aventures à La Passerelle,

#Justine

Crédits photos : #Elizabeth

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